Coup dur pour l'assurance emprunteur. Dix mois après l'entrée en vigueur de la substitution annuelle, le gouvernement risque de mettre un frein aux velléités de changement des emprunteurs. En élargissant la fiscalité des contrats à l'ensemble des garanties, il renchérit leur coût pour les consommateurs et pénalise ainsi les acteurs non-bancaires.
La TSCA sur l'intégralité de l'assurance de prêt
A compter de janvier 2019, la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) va s'appliquer à l'ensemble de la couverture payée par les emprunteurs dans le cadre d'un crédit immobilier. Fixée à 9%, cette taxe frappait jusqu'à présent les garanties incapacité/invalidité et perte d'emploi. Elle concernera désormais la garantie décès. Bercy parle d'une mesure de cohérence qui permettra "une uniformité de mode de taxation" de l'assurance de prêt. Seules les nouvelles souscriptions y seront soumises.
Le gain pour les finances publiques est évalué à près de 100 millions d'euros dès l'an prochain, et à 500 millions d'euros en vitesse de croisière dès que tous les contrats auront été renouvelés. L'objectif est de compenser la perte de 300 millions d'euros subie par Action Logement du fait de la loi Pacte. Celle-ci prévoit de rehausser de 20 à 50 salariés le seuil d'assujettissement des entreprises à la participation à l'effort de construction (Peec).
Quel impact pour les emprunteurs ?
Comme pour tout contrat d'assurance soumis à la TSCA, c'est l'assuré qui paie. Les professionnels ont estimé entre 2 et 3€ par mois le surcoût engendré par l'élargissement de la TSCA pour un contrat standard qui couvre un emprunt de 100 000€ sur 15 ans, soit 540€ sur la durée totale du crédit. Indolore ? Pas vraiment pour les profils à risque comme les fumeurs, les seniors et les personnes avec un historique de santé. La charge additionnelle se chiffrera en milliers d'euros sur la totalité du prêt. Alors que la réglementation encourage le changement d’assurance, la nouvelle fiscalité va refroidir les ardeurs.
Une aubaine pour les banques
Elles étaient vent debout contre l'amendement Bourquin, les banques ont désormais les moyens de se protéger d'une fuite massive des contrats. Personne n'a oublié le lobbying qu'elles avaient engagé pour faire échec à la substitution annuelle de l'assurance emprunteur. Leur crainte, légitime mais appuyée sur le raisonnement fallacieux d'une démutualisation, était la résiliation des contrats groupe en stock au profit des contrats individuels. Pour mémoire, les bancassureurs captent 85% des cotisations d’assurance de prêt. Si le gouvernement parle de cohérence en supprimant l'exonération de la TSCA sur la garantie décès, cette mesure risque d’être contre-productive.
L'amendement Bourquin avait pour finalité de casser le quasi monopole bancaire sur le marché de l'assurance emprunteur et de redonner du pouvoir d'achat aux consommateurs. La délégation d'assurance permet une économie jusqu'à 50% à garanties égales. Une étude du cabinet Actuaris révèle par ailleurs que les tarifs des acteurs alternatifs ont chuté de 30% en trois ans, preuve, s’il en est, que l’évolution de la réglementation a engendré un marché ultra concurrentiel…aux bénéfices des emprunteurs. En alourdissant la fiscalité des contrats, Bercy laisse peu de marges de manoeuvre aux acteurs non-bancaires qui ne pourront pas maintenir les mêmes tarifs étant donné la faible marge (10-15%) qu'ils pratiquent sur ce genre de contrats (contrairement à la plupart des banques qui margent de 50 à 70%). Ces derniers espèrent obtenir du gouvernement que les transferts de contrats ne soient pas concernés par la mesure. Une nouvelle bataille s’annonce pour les assureurs et les courtiers, alors qu’ils pensaient avoir gagné une manche décisive avec le droit annuel de substitution de l’assurance emprunteur.