Alors que le démarchage téléphonique fait l'objet de deux propositions de loi, cinq associations de consommateurs ont demandé au gouvernement début septembre l'interdiction de cette pratique en matière d'assurance suite à l'explosion des plaintes. Malgré des recommandations réitérées, l'ACPR observe que les abus perdurent. Dans son communiqué en date du 9 octobre, l'organisme de surveillance relève les manquements et engage les professionnels à respecter la réglementation quant à la protection du consommateur.
Pratique toxique
Le mot est fort : dans un communiqué commun diffusé le 10 septembre dernier, cinq associations de consommateurs (Familles Rurales, UFC-Que Choisir, CLCV, AFOC, UNAF) ont qualifié de "toxique" le démarchage téléphonique en matière d'assurance. Elles dénoncent une relation commerciale "irrémédiablement viciée" et appellent à son interdiction face à l'explosion des "pratiques toxiques dont son principalement victimes les plus vulnérables".
Selon le baromètre 2018 de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), les réclamations pour démarchage téléphonique agressif ont progressé de 60% depuis 2012 et même de 72% pour le seul secteur de l'assurance, grande adepte de ce mode de commercialisation à distance. Les assurances santé et prévoyance concentrent les trois quarts des litiges, alors qu'elles comptent pour moins de 30% des contrats souscrits. Les cinq associations accusent directement la Fédération Française des Assurances (FFA) et la Chambre Syndicale des Courtiers d'Assurance (CSCA),"collectivement responsables" selon elles d'un "processus industriel délétère".
Les professionnels sont conscients d'un problème qui concernerait "une dizaine ou une quinzaine de courtiers" selon Bernard de Surmont, président de la CSCA. Ces maillons faibles ne travaillent pas correctement et entachent toute la profession. Comment ne pas s'indigner, en effet, devant les abus scandaleux du courtier SGP, sanctionné dernièrement par l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) pour avoir vendu des contrats d'assurance après un appel d'une durée moyenne de 4 mn 44 !? L'action de ces associations intervient alors que deux propositions de loi visant à mieux réguler le démarchage téléphonique circulent entre l'Assemblée Nationale et le Sénat.
Mieux encadrer le démarchage téléphonique
Les deux propositions de loi portées respectivement par les députés Pierre Cordier (LR) et Christophe Naegelen (UDI) s'inscrivent dans la continuité du dispositif Bloctel dont l'inefficacité, deux ans après sa mise en place, fait l'unanimité. Le nouveau texte prévoit un renforcement de l'information du consommateur et un renforcement des sanctions. Adoptée en première lecture à l'Assemblée Nationale en décembre dernier, la proposition de loi du député Naegelen visait notamment l'assurance, demandant à ce que le champ de l'exception client aux sollicitations téléphoniques soit restreint au seul rapport direct avec le contrat en cours. Le Sénat n'a pas retenu cette modification de l'article L.223-1 du code de la consommation. Le texte sera examiné en deuxième lecture par l'Assemblée dans moins de trois mois.
D'ici là, et l'interdiction future mais peu probable du démarchage téléphonique en assurance, les cinq associations demandent au Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) de mettre en place un dispositif transitoire visant notamment à interdire la vente en "un temps". Sous la houlette du CCSF, les discussions entre assureurs, courtiers et associations de consommateurs n'ont pour l'heure rien donné.
Rappel de la réglementation par l'ACPR
C'est dans ce contexte tendu que l'ACPR a diffusé mardi 9 octobre un communiqué de presse appelant "certains acteurs du marché à corriger leurs pratiques en matière de vente de contrats d'assurance par voie de démarchage téléphonique, afin de préserver les intérêts des personnes sollicitées". En dépit d'une précédente communication sur ce problème, l'ACPR constate que les pratiques non conformes aux règles de protection des clients perdurent, les premières victimes étant les personnes âgées, voire très âgées, une clientèle potentiellement vulnérable.
L'Autorité rappelle à tous les acteurs des chaînes de distribution (assureurs, courtiers-grossistes et distributeurs de proximité) leur "obligation d'information et leur devoir de conseil de qualité". Le démarchage téléphonique étant par nature un mode de commercialisation qui n'a pas fait l'objet d'une demande préalable de la part du client, des précautions additionnelles doivent être employées pour lui donner un temps utile de réflexion après avoir reçu une information précontractuelle comme le veut la réglementation.
L'ACPR reproche à certains professionnels de faire fi des articles L.112-2-1 du code des assurance et L.221-18 du code de la mutualité qui précisent les informations à remettre en amont de la souscription du contrat et fixent les délais de renonciation. Les contrôles pratiqués ont montré des manquements faisant état de vente hâtive, ne permettant pas aux personnes démarchées de bénéficier d'un temps de réflexion suffisant, indispensable pour lire les documents précontractuels avant de s'engager en toute connaissance de cause. Autre pratique abusive, certains démarcheurs n'hésitent pas à recourir à des allégations ou des informations fausses ou de nature à induire les consommateurs en erreur, notamment en ce qui concerne leur identité et le motif de l'appel. Plus grave, beaucoup de clients ne comprennent pas qu'ils ont accordé leur consentement à la souscription d'un contrat d'assurance lors du démarchage, du fait des modalités de ce type de vente à distance.