Depuis janvier 2021, les conditions d'octroi des crédits immobiliers ont été assouplies. Cet ajustement s'accompagne d'une recommandation à l'attention des banques : l'intégration de l'assurance emprunteur dans le calcul du taux d'endettement, une mesure qui pénalise les profils à risques et qui relance le débat sur la détermination des taux de l'usure.
Nouvelles conditions d'accès au crédit : un assouplissement en trompe-l'œil
Fin 2020, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) annonçait un assouplissement des règles d'octroi des crédits immobiliers. Depuis janvier 2021, les banques appliquent les consignes suivantes :
- le taux d'endettement maximal est fixé à 35% des revenus nets de l'emprunteur contre 33% auparavant ;
- la durée de remboursement peut aller jusqu'à 27 ans en cas de différé d'amortissement (achat dans le neuf et achat dans l'ancien avec rénovation d'au moins 25% du coût de l'opération) ;
- la marge de flexibilité à destination de la primo-accession et de l'acquisition de la résidence principale est de 20% au lieu de 15% de la production trimestrielle.
La notice du 28 janvier dernier est venue préciser ces nouvelles conditions d'octroi, ajoutant une contrainte qui s'impose désormais aux établissements bancaires : le coût de l'assurance de prêt doit être systématiquement intégré dans le calcul du taux d'endettement. À compter de l'été prochain, les banques ne pourront plus se soustraire à ces règles qui auront dès lors un caractère juridique contraignant.
Le message envoyé aux banques est clair : la distribution du crédit à l'habitat doit se faire dans le respect le plus strict de la réglementation (article L.313-1 du Code de la consommation). En leur rappelant que l'assurance de prêt doit être prise en compte dans le calcul du taux d'effort, le HCSF pointe du doigt une pratique, à savoir l'omission de cette dépense dans les charges annuelles d'emprunt, qui, sans être généralisée, a été suffisamment répandue au cours de l'année 2020 pour mettre en alerte le régulateur.
Cette précision réduit donc le champ de l'assouplissement sur le taux d'effort : l'intégration de l'assurance de prêt dans le calcul de l'endettement annule le gain de capacité d'emprunt généré par la hausse de l'endettement de 33% à 35%.
L'éternel débat sur le calcul des taux de l'usure
Le coût de l'assurance étant lié au profil de l'emprunteur, ce sont les plus fragiles, seniors, personnes avec des risques accrus de santé, qui sont une nouvelle fois pénalisés, en dépit d'une solvabilité avérée. De 0,3% à 1% du capital emprunté, le coût de l'assurance pèse lourdement sur le TAEG (Taux Annuel Effectif Global), et peut, en présence de profils à risques, empêcher le financement pour cause d'un taux d'usure outrepassé.
Lors d'une audition à l'Assemblée Nationale le 20 janvier dernier, relative à l'accès au crédit immobilier des personnes souffrant de pathologies lourdes, Corinne Dromer, présidente du Comité Consultatif du Secteur Financier exprimait le souhait qu'il puisse avoir "une possibilité de dépassement exceptionnelle", mais regrettait dans la foulée d'absence de consensus entre les parties (banques, assureurs, associations de consommateurs et de malades) pour deux raisons : l'impossibilité d'évaluer le nombre de personnes concernées, la division des associations quant au taux de l'usure, auquel certaines ne veulent pas toucher car très protecteur pour les consommateurs.
La faiblesse des taux de l'usure est liée à celle des taux d'intérêts. Pour mémoire, les taux légaux sont calculés sur la base des TAEG moyens pratiqués par les établissements de crédit le trimestre précédent, augmentés d'un tiers. La concomitance du faible niveau des taux débiteurs et de l'usure bloque l'accès au crédit pour bon nombre de candidats qui incarnent des risques assurantiels élevés.
De manière régulière, depuis la baisse drastique des taux d'emprunt, nombreux sont les courtiers à réclamer la révision du mode de calcul des taux de l'usure. Identiques pour tous, les taux maximum autorisés ne tiennent pas compte du profil et de la situation de l'emprunteur. Le TAEG augmenté d'un tiers ne peut convenir à tous les profils. Si l'objectif des taux de l'usure est bien de prévenir les défauts de remboursement, vertu qu’on ne peut que louer, il faut rappeler que le reste à vivre, notion à laquelle sont attachées les banques, n'a pas jusqu'à présent été pris en compte par le régulateur dans ses injonctions aux établissements.